Le mythe du « zéro papier » hante le marché depuis tellement d’années qu’il en est devenu, telle l’Arlésienne de Daudet, source de plaisanteries. Pourquoi un tel frein à un essor pourtant prévu de longue date, et synonyme d’économies et de simplifications ?
La faute des utilisateurs ?
Un poncif, trop souvent entendu dans les services informatiques, mettrai en avant une absence d’appétence des utilisateurs vers les services dématérialisés : manque d’équipement, d’accès à internet, ou de maîtrise de l’informatique pour certaines populations (personnes âgées, personnes déscolarisées,…). Les utilisateurs ne seraient pas prêts à cette révolution numérique ?
S’il est vrai que ces populations technologiquement « fragiles » possèdent un taux d’équipement moindre que la moyenne de la population, cet écart tend à se réduire. Le baromètre du numérique 2017 présente à cet égard des chiffres éloquents : alors que désormais 90% de la population a accès à internet, la part d’équipement des personnes de plus de 70 ans a doublé en à peine 3 ans. Mais plus que le taux, ce sont les usages et la perception de ces nouveaux média qui posent question… En effet, parmi les usages cités du mobile, la souscription de services (banques, assurances, …) ou l’e-administration ne sont même pas évoqués, et pour ce qui concerne l’usage d’Internet, l’évolution des usages correspond trait pour trait à la mise à disposition de nouveaux services avec un taux d’adoption relativement rapide, quel que soit la tranche d’âge (il semblerait que le facteur urbain/rural soit plus influant que l’âge lui même).
Les entreprises et administrations sont elles prêtes ?
Il est possible que j’enfonce ici une porte ouverte, mais la réponse est clairement non… Depuis les premières solutions de dématérialisation il y a plus de 20 ans, peu de choses ont évoluées. La dématérialisation est encore trop souvent réduite à la portion congrue des usages internes, et parfois très limitée en terme de fonctionnalités (limitation à la dématérialisation des factures, ou parfois simple numérisation et mise à disposition d’une GED), alors même que pratiquement 80% des données exploitables de l’espace documentaire ne sont pas utilisées ou doivent faire l’objet de saisies à la main.
On observe ainsi un décalage quasi constant entre la mise sur le marché de solutions de plus en plus innovantes et leur adoption par les banques, les assurances, les administrations, les opérateurs (eau, énergies, téléphonie, … ) avec un retard qui a beaucoup de mal à se résorber. Ce décalage est d’autant plus important que comme évoqué précédemment, il est en opposition à l’adoption de plus en plus rapide observée par les utilisateurs qui démontrent une agilité bien supérieure en matière de nouveaux usages.
Un manque d’ambition ?
Si les solutions existent et que les utilisateurs sont plutôt prêt à les adopter, ne manquent alors que les projets pour expliquer cet écart. Ce manque d’ambition se constate depuis plusieurs années dans le contenu et le nombre de projets menés par les responsables de ce que l’on appelle maintenant la transformation digitale.
Dans les freins évoqués par ces derniers, on retrouve souvent une mise en cause des solutions et des éditeurs trop prompts à vendre du rêve : projets abandonnés, coûts qui s’envolent, résultats en deçà des prévisions, beaucoup ont été déçus par leurs premières expériences et sont réticents à l’idée de mettre en place de nouveaux projets et /ou à remettre en cause leurs choix passés. Pour autant, s’il est important de rester réaliste face à certaines promesses, de nouvelles solutions sont arrivées sur le marché et permettent aujourd’hui d’automatiser une très grande partie de l’exploitation de l’espace documentaire (on mettra volontairement de côté les documents manuscrits cursifs dont l’exploitation est possible mais nécessite une étude de ROI préalable), en bénéficiant de toutes les avancées modernes liées à la gestion des données, à l’intelligence artificielle et aux technologies Cloud.
Un deuxième élément qui n’aide pas les projets à se concrétiser réside dans la difficulté qu’ont les entreprises et les administrations à chiffrer le retour sur investissement de telles solutions. Il est vrai que pour se faire, il est souvent de mise de se calquer au processus existant afin de pouvoir faire des comparaisons, ce qui malheureusement n’a que peu de sens dans le cadre d’un projet dont l’objectif premier doit être l’innovation. En effet, la valeur ajoutée d’une solution de capture résidant essentiellement dans la valeur des données extraites, plus le projet sera ambitieux et plus le retour sur investissement sera important. Trop souvent, la prudence a conduit à des projets sans ambition qui se sont révélés être de vrais freins dans l’adoption du digital (ajout de saisies supplémentaires, numérisation sans valeur ajoutée, projets abandonnés, choix de solutions bas de gamme…) aussi bien pour les utilisateurs internes que pour les usagers et clients.
Enfin, dans un secteur en constante évolution, la nécessité d’une mise à niveau des connaissances quasi constante sur des domaines de plus en plus pointus nécessitant une réelle expertise représente une réelle difficulté pour la cadrage de nouveaux projets. Ainsi, certains usages, rendus possibles par les innovations récentes, sont trop souvent absent des cahiers des charges, comme la mobilité ou l’intégration de la capture au sein des espaces clients, ou leur combinaison avec les outils de RPA ou de BPM, alors même qu’ils sont de plus en plus plébiscités par les utilisateurs. Même si ces projets ne se font pas dans l’immédiat, les solutions choisies doivent comprendre ces usages et les anticiper, sous peine de devenir rapidement obsolètes
Conclusion
Les volumes d’échanges papier qui sont souvent utilisés pour justifier un certain archaïsme des solutions en place (pourquoi changer, puisque les usages n’évoluent pas), sont en fait le résultat même de l’utilisation (ou de la mauvaise utilisation) de ces solutions. Les études montrent en revanche que l’adoptions de nouveaux usages est de plus en plus rapide et qu’il suffit de proposer un service innovant pour qu’il devienne rapidement un standard (e-commerce, applications VTC, traçabilité des colis, démarches en ligne…).
Ainsi, l’absence d’innovation et d’agilité chez les acteurs historique de la dématérialisation ainsi que la frilosité des clients à remettre en cause certains choix passés ont tendance à créer un écart entre les attentes des clients et usagers et les services proposés par les entreprises et les administrations qui n’arrivent pas à évoluer aussi vite que les nouveaux usages et continuent donc à émettre et à recevoir un grand nombre de documents papier.
Pour autant, des nouvelles solutions existent sur le marché, et leur adoption est en passe de changer rapidement la donne, à condition de suivre certaines lignes directrices :
- Ne pas hésiter à se faire accompagner par des experts : en plus de cadrer les projets de façon à ce qu’ils soient à la fois ambitieux et réalistes, ils sauront vous guider à travers la jungle des éditeurs pour trouver la meilleure offre.
- Ne pas confondre prudence et manque d’ambition : voir loin n’empêche pas de commencer petit, préférez limiter le périmètre plutôt que les fonctionnalités.
- Envisager les projets de transformation digitale de manière globale : la robotisation, l’automatisation et la dématérialisation fonctionnent mieux ensemble que séparément
- Encourager les nouveaux usages : plus une solution est utilisée, plus elle est rentable, limiter les usages créé un frein aux retours sur investissement en particulier lorsque les solutions proposent des modèles qui ne limitent ni le nombre de pages, ni les usages.
- Privilégier des solutions évolutives : chaque évolution apporte de nouveaux cas d’usages, et pérenniseront vos investissements.
Etre disruptif, ce n’est pas suivre les usages pour adapter la technologie, mais se servir de la technologie pour créer de nouveaux usages…